Du temps où les Vikings sans-pouvoirs et sorciers se côtoyaient, des récits sont apparus. Avec le temps, les sans-pouvoirs ne les voient plus que comme des légendes sans fondement, alors que les sorciers les considèrent encore comme des mythes fondateurs et des récits historiques. À l'instar des mages ancestraux, qui ont existé il y a plus de quinze siècles, certaines histoires ont lieu dans des siècles lointains.
S'il y a bien une chose qui n'est pas prise à la rigolade, c'est le Ragnarök. Fin du monde prophétique, ce mythe est considéré comme un pan de l'histoire ancestrale des sorciers scandinaves. Si les sans-pouvoirs l'ont toujours vu comme une histoire bonne à dormir debout ou à faire peur aux enfants, les sorciers savent qu'il en est autre. Vingt siècles auparavant, quelques centaines d'années avant le début de notre ère, les sorciers du clan des Ases et des Vanes a dû mener le plus dur et le plus formidable de tous leurs combats, à l'insu des Moldus.
Les géants avaient trouvé un moyen de lancer une malédiction qui avait recouvert le monde scandinave de nuages épais que le soleil ne put percer pendant trois années entières. Cette nuit que les Moldus et les sorciers avaient cru éternelle se leva un funeste jour, lorsque les géants et autres créatures ralliées à leur cause, dirigés par Loki le fourbe, arrivèrent aux abords de la plaine de Vigrid. Les sorciers prirent les armes, les walkyries les rejoignirent, ainsi que les esprits des guerriers choisis par ces dernières. Tous partirent au combat, unis contre la menace que représentaient les géants de la glace et du feu. Le combat fit rage et cette bataille très longue fut appelée par la suite "Temps des haches", ou "des épées", ou "des tempêtes", ou "des loups". Les Ases et les Vanes périrent presque tous dans ce combat pour la Terre, les géants furent tout autant décimés, ainsi que les créatures qui avaient été leurs alliés. Les sorciers qui vivent encore se considèrent comme les héritiers du Ragnarök et savent qu'un jour, un second Ragnarök arrivera. Les prophéties se sont réalisées jusqu'à présent : les Ases et les Vanes savaient qu'ils allaient au devant de la mort. Frigg leur avait dit, et ils savaient qui survivrait et qui mourrait. Et ils y allèrent tout de même, parce qu'ils n'étaient pas vikings pour rien.
Après ce combat spectaculaire dans la plaine de Vigrid, les récits Moldus racontent que le monde fut dévasté entièrement, englouti par les flots, et que de la destruction presque totale, Midgard rejaillit comme un phénix de ses cendres. La terre des hommes était sauvée, mais pour qu'elle le soit définitivement, il fallait en assurer une protection constante. Les Moldus croyaient aux quelques Ases survivants et à l'unique couple humain qui s'en était tiré et avait repeuplé Midgard. Les sorciers savent qu'il en est autrement. Vrai, il ne restait plus que quelques sorciers du clan des Ases, mais il restait encore beaucoup d'humains qui, éloignés de la plaine de Vigrid, s'en sortirent mieux que les autres. De même, les Moldus n'ont pas été vraiment touchés par le Ragnarök, puisqu'il revenait aux sorciers qui vivaient parmi eux de combattre les forces destructrices des créatures fantastiques.
Le Ragnarök est une partie importante de l'histoire des sorciers scandinaves. Même s'ils n'ont pas des origines qui remontent jusqu'aux mages ancestraux, tout sorcier scandinave qui se respecte sait qu'il risque de participer au second Ragnarök. Certains le redoutent, d'autres l'attendent de pied ferme. Rares sont ceux qui n'en ont que faire, sachant les conséquences dramatiques provoquées par le premier Ragnarök. La séparation des communautés Moldue et sorcière au cours des 10e et 11e siècles fait notamment dire à certains devins que les signes annonciateurs d'un second crépuscule des Ases (comprendre, du monde magique) se multiplient.
Les sorciers ne croient pas en beaucoup de choses, si ce n'est la magie. Néanmoins, s'ils vénèrent des personnages plus que les mages ancestraux, ce sont bien les Nornes. À tel point qu'elles ont un statut divin, plus que les mages ancestraux, et qu'on ne les invoque pas pour rien.
Les Nornes les plus connues sont au nombre de trois. D'elles, on connait le nom : Urd, Verdandi et Skuld. Il en existe d'autres dont les noms ne sont jamais prononcés, et dont le nombre est inconnu. Ce sont elles qui fixent l'avenir de tous les nouveaux-nés. Elles sont les incarnations du destin, un destin parfois moqueur, parfois cynique, et rarement paisible. Ce sont elles qui élisent les futurs héros des temps troubles, et élèvent les futurs chefs dès leur berceau. La légende veut qu'elles résident auprès du puits du Destin, appelé par les scandinaves "Puits d'Urd". De ce puits, elles tirent l'eau et arrosent Yggdrasil, l'Arbre du Monde, sur lequel reposent les neuf royaumes mythiques. On les dit géantes dotées de pouvoirs magiques, créatures millénaires qui restent inchangées malgré les siècles qui passent inlassablement. Les sorciers les craignent, les respectent, et ne vont jamais jurer avec leurs noms. Ceci pour une raison assez simple : jurer sur les Nornes revient à provoquer le Destin. Certains imprudents s'y sont essayés et ont connu une fin dramatique : personne ne s'apitoya jamais sur la fin de ces idiots, elle était écrite à l'instant même où ils étaient nés.
Les trois principales Nornes tissent et tressent les fils du destin. Toutes trois ont connaissance du passé, du présent et du futur, et de toutes les choses du monde. Elles travaillent ensemble, main dans la main, choisissant ensemble l'heure de mise à mort de chaque être humain. Les fils qu'elles tressent s'enroulent ensuite autour du tronc d'Yggdrasil, où ils s'encastrent et s'enfoncent jusqu'à n'être plus que des rainures sur l'écorce. On dit dès lors qu'elles gravent dans le bois le destin des hommes. Certains racontent qu'Odin les a rencontrées et que c'est d'elles qu'il a obtenu l'écriture runique. Néanmoins, ce sont des histoires de vieilles femmes. Personne n'a jamais rencontré les Nornes, tant leur demeure est profondément cachée.
On ne sait pas vraiment d'où elles viennent, sinon que c'est de la mer qu'elles émergèrent un jour. Elles ont fait les lois des hommes et des sorciers, dit-on, même si les humains aiment à s'affirmer indépendants dans la mise en place du système politique. Elles sont à l'origine de la vie, et au crépuscule de la mort. Immortelles, elles veillent sur le monde, et ont une part de responsabilité dans les catastrophes et les batailles qui ont lieu. Leurs représentations sont multiples et personne ne sait vraiment dire qui a raison : ont-elles toutes le même âge, ou bien y en a-t-il une plus jeune que les autres ? Personne n'a jamais pu les voir et revenir pour raconter. On raconte qu'elles sont les gardiennes ultimes du Walhalla, le royaume des guerriers morts l'arme à la main, et du Helheim, royaume des autres morts, et que ne peuvent les voir peut-être que les morts. Néanmoins, il est difficile de savoir ce qui est vrai dans tout ce qu'on dit.
L'essentiel est ce qui suit : ce sont les figures les plus craintes et les plus révérées de tous les mythes scandinaves. On ne plaisante pas avec le Ragnarök, mais on plaisante encore moins avec les Nornes, que ce soit les trois principales, ou leur flopée de sœurs. Et on les insulte encore moins si notre destin ne nous convient pas, puisqu'elles en ont scellé la fin en ayant vu toute notre vie défiler dans leur main.
Le louveteau égaré que trouva Loki dans les forêts des îles glacées avait peut-être tout d'un simple loup. Seulement, sous l'éducation du mage farceur, qui s'était grandement attaché à cet animal aussi noble que féroce, il devint bien plus qu'un loup, jusqu'à être désormais ce monstre mythologique qui a pris part au Ragnarök.
Aucun mage n'aurait pu prévoir que Loki allait tant s'attacher à cette boule de poils qu'il avait un jour ramené de ses terres natales. Pourtant, il le fit et s'occupa tant du louveteau, nommé Fenrir, que celui-ci gagna à chaque jour en taille et en férocité. En l'absence du fourbe mage, aucun autre n'osait le nourrir, tous craignant sa gueule écumante et encore plus ses crocs, et Týr devint alors le seul à oser s'en approcher.
Vint le jour où la plus terrible prophétie de Frigg résonna dans leurs oreilles et leur esprit, celle du Ragnarök où le loup géant prendrait part à leur anéantissement. Les mages tentèrent alors de l'emprisonner, mais aucune chaîne ne résistait aux crocs de l'animal. Ils durent finalement faire appel aux gobelins pour que ceux-ci façonnent un lien, plus résistant que n'importe quel matériau et aussi léger qu'un cheveu d'Idun, pour retenir Fenrir. Lorsqu'ils tentèrent, celui-ci résista et Týr fut celui qui retint la mâchoire du loup. Il y perdit une main, mais les mages y gagnèrent en paix d'esprit provisoire. Lors du premier Ragnarök, Fenrir brisa son lien aussi aisément que s'il n'avait jamais existé, cheminant aux côtés de son père pour tuer tous les sorciers. D'une seule bouchée, il aurait avalé Odin, avant qu'un de ses fils vienne lui déchirer la mâchoire et ainsi le tuer.
Les spéculations sur l'apparence de Fenrir varient. Toutes lui prêtent une taille considérable, certains lui donnent trois têtes, d'autres une double rangée de crocs et quelques illuminés prétendent qu'une lave incandescente coulerait de sa gueule. On dit que Loki le nourrissait de chair humaine, lui donnant ainsi le goût du sang. C'est d'ailleurs à Fenrir qu'on attribue la paternité de la lycanthropie : celui-ci aurait mordu un sorcier, qui aurait ensuite acquis la faculté de se transformer en créature monstrueuse, mi-homme, mi-loup, à la pleine lune. Cela dit, certains historiens estimant la taille du mythique monstre à plus de dix mètres au garrot, une morsure de cet animal aurait suffit à tuer sur le coup n'importe quel sorcier, même de forte constitution. Si cette paternité est vraie, il faut donc revoir à la baisse la taille du loup (ou à la hausse la résistance des sorciers), ainsi que penser que Loki aurait réussi à insuffler une quelconque forme de pouvoirs magiques à son animal fétiche. Ce ne serait point farfelu, vu la puissance du mage ancestral, mais ô combien inquiétant : serait-il possible que le loup ait survécu au premier Ragnarök et attende, à quelque part, d'être à nouveau libéré ?
À ceux qui craignent Fenrir, dont l'existence n'a pas été prouvée depuis le premier Ragnarök, s'opposent ceux qui craignent Jörmungand, qu'on soupçonne d'être encore vivant. Après tout, comment expliquer les marées et autres catastrophes naturelles, si celles-ci ne sont pas liées à la créature ?
Le serpent avait été jeté dans la mer à peine né, par Odin lui-même, qui avait entendu de la bouche de Frigg qu'un jour, un serpent de taille gigantesque causerait leur perte. Plusieurs autres reptiles furent donc noyés, mais sans qu'on sache comment, Jörmungand survécu à son aventure dans la mer et grandit tant et tellement qu'il pouvait faire le tour de Midgard et même se mordre la queue. Quelques mages supposèrent que Loki, qui s'était déjà pris d'affection pour Fenrir, a poursuivi ses expérimentations magiques et aurait pris soin, en cachette, du serpent de mer. Une théorie qui n'a jamais trouvé de preuves, cela dit. Responsable des humeurs de la mer, et tout spécialement des raz-de-marées, Jörmungand aurait surgi de la mer lors du Ragnarök, inondant les terres pour combattre aux côtés de Loki et des géants. Thor le tua, mais le venin du serpent a eu raison du mage, qui succomba ensuite à ses blessures.
De nos jours, les sorciers lient plusieurs récits et capacités à Jörmungand. Pour ceux qui le prétendent élevé par Loki, ils donnent au fourbe mage la capacité de parler aux serpents, bien que cela reste nébuleux. D'autres disent, plus vraisemblablement, que le monstre marin a enfanté plusieurs autres représentant de son espèce, ce qui expliquerait les mers truffées de serpents de mer de tailles diverses. Heureusement, ceux-ci n'atteignent jamais une taille aussi considérable que celle de leur ancêtre – en auquel cas ils seraient immédiatement tués lorsque découverts. Une des théories les plus farfelues le lie aux dragons, desquels il serait frère ; après tout, certaines tapisseries retrouvées dépeignent Jörmungand comme un serpent aux allures de dragon, alors il ne serait pas impossible que l'eau et le feu aient une même racine.