La panique régnait, autour du bourreau des Heill. Osbern s'en était allé frapper contre les parois de la galerie et Hella semblait décidée à vouloir s'occuper seule du pyromane. La gueuse qu'il avait sorti de l'eau, qu'il reconnaissait désormais comme étant Hëylda la Bannie, était elle aussi partie tenter d'endiguer la progression des flammes. Tout Skuli menaçait de flamber comme un vulgaire tas de brindilles sèches. « Par tous les mages réunis, si je met la main sur les responsables de cette débandade, je leur offre un abonnement de première classe pour ma hutte des horreurs » grommela Vyro entre ses dents avant de partir au pas de course en direction d'Osbern. L'imbécile frappait sur les murs avec sa hache au manche gravé de runes mais les pauvres hères qui se trouvaient sous le plafond menaçaient de se retrouver ensevelis sous le sable et les gravats. Il avait bien compris l'idée du fabriquant de navire mais il ne s'étonnait plus du manque de discernement de ce dernier. A la place, il agissait.

D'un bond, il récupéra une gamine haute comme trois patates et la souleva dans ses bras pour l'éloigner de l'éboulement qui menaçait de leur tomber sur le crâne. Comme il fallait s'y attendre, la fillette se mit à hurler de terreur et à sangloter d'effroi. Il aurait peut-être du songer avant au fait que voir le bourreau foncer sur vous pour vous soulever de terre et vous emporter Loki sait où n'était pas très rassurant. « Silence, gueuse ! Tu m'écorche les oreilles ! » Probablement trop terrorisée pour lui résister, l'enfant se tut et se contenta de trembler entre ses bras. Voilà qui était mieux. La question était maintenant de savoir où déposer ce fardeau. Immédiatement, il pensa à la seule personne qui hantait ses pensées jours et nuits. Hella. Elle saurait garder un oeil sur l'enfant et la garder en vie. Il reprit alors sa course et déposa la petite fille près de sa soeur en lançant « Hella, je t'amène les ex futures victimes d'Osbern ... Garde un œil dessus ! »

Il ramena auprès de sa soeur deux autres enfants, deux femmes et un vieil homme boiteux qui manqua d'y rester, Osbern n'ayant pas perdu de temps. « Le compte est bon, je vais voir si je peux prêter main forte pour étouffer le feu. Tu as besoin d'aide, avec le pyromane ou les survivants ? Le temps que la panique se calme, il vaut mieux qu'ils restent avec toi. » Avisant les gamins qui menaçaient de s'éloigner, il tonna d'un ton menaçant « Le premier qui n'écoute pas Hella passera toute la prochaine semaine dans les îles glacées, dans ma hutte. Est-ce clair ? » Immédiatement, l'ordre revint et les gosses se rassemblèrent près du vieux monsieur, fixant Vyro d'un air terrorisé. Vyro n'avait pas de temps à perdre avec des futilités de ce genre, pas quand sa ville, son lieu de travail et son gagne pain tout entier menaçait de s'envoler en fumée. « Je vais prêter main forte à Osbern. Ne les perds pas de vue. »

Il ne perdit pas de temps, repartant au pas de course vers l'attroupement qui se formait autour de Osbern et de la Bannie.
 

Il n'eut pas vraiment le temps d'arriver auprès de son allié le grand blond. Un fracas assourdissant résonna dans la galerie et Vyro ne pu que contempler l'éboulement. Un morceau entier du plafond s'écroulait sur les flammes, les étouffant tant bien que mal dans de gros nuages de fumée noire. Une chance qu'il avait écarté tout le monde car les dégâts qu'il avisait du regard étaient bien trop dévastateurs pour avoir laissé des survivants. « Par le cul de Loki, cet Osbern de malheur ne plaisantait pas quand il disait vouloir faire tomber le ciel ... » grommela-t-il entre ses dents en rebroussant chemin vers sa soeur, les rescapés et la victime ensanglantée. Il n'était plus qu'à quelques mètres du petit groupe lorsqu'il vit une silhouette noire et sale s'avancer droit sur le pyromane.

Accélérant le pas, soupçonnant une menace, il leva sa masse et s'approcha de l'individu mais il relâcha la pression autour du manche de son arme en reconnaissant le fils de son employeur. Rolf Heill, joyeux gamin aux airs de niais mais qui semblait bien parti pour marcher sur les traces de son fourbe père. Méfiant, le bourreau s'avança assez pour faire remarquer sa présence mais il garda le silence. Le Heill pointait son épée sur la gorge du responsable de l'incendie et il n'avait franchement pas l'air d'humeur à tailler une bavette. « On l'emmène. Lui et les autres » énonça le Heill d'une voix rauque et enraillée. Il avait du avaler trop de fumée car dans les souvenirs du bourreau, il avait un ton bien différent. Avisant Hella qui se tenait au centre de l'attroupement de gamins terrorisés, il lui adressa un signe de tête dénué de sens, juste pour signifier qu'il était sain et sauf et qu'il était soulagé de voir qu'elle aussi.

Se concentrant à nouveau sur le fils du Jarl, Vyro grogna « Il faut évacuer tout le monde. Regagnons la surface, on avisera là haut ... Je m'occupe de lui. » Il s'approcha du pyromane et lui donna un violent coup de masse à l'arrière du crâne. Devant le regard furieux de Rolf, il jugea préférable de préciser « Il n'est pas mort. Il ... dort, plutôt. » D'un geste souple et puissant, il chargea le corps inconscient sur son épaule et se mit en route vers les souterrains remontant au grand jour, sans même vérifier qu'on le suivait.

 

Elle n’avait pas eu le temps de protester que le tunnel s’effondrait. Les deux marmots que sa sombre andouille de frère lui avait ramenés se réfugièrent immédiatement derrière elle, et les femmes commencèrent à pleurer. Hella leva les yeux au ciel ; par les braies les plus usées de Bartram Oddi, qu’est-ce qu’ils avaient encore fichu. C’était Osbern évidemment, avec ses brillantes idées, et la Bannie qui était venue l’aider. Au moins, leurs efforts avaient réussi à étouffer le feu. Mais ils allaient finir par étouffer eux-mêmes s’ils restaient ici. La jeune femme se leva violemment, laissant derrière elle les deux enfants qui commençaient à brailler. « Si vous ne vous taisez pas, je vous promets que vous ne sortirez jamais d’ici. » siffla t-elle avant de retourner autour d’elle. Elle était vraiment devenue intolérante aux larmes, avec le temps.

Mais la petite bande de quatre bras cassés qu’ils formaient avec Vyro, Heÿlda et Osbern s’était agrandie. A quelques mètres d’eux, Hella pouvait voir le fils du Jarl, Rolf Heill. Elle avait beaucoup entendu de lui ; il aurait pu être un bon gars, s’il n’était pas si détestablement… Heill. Il avait beaucoup trop de son père, et de son insupportable mère Carina, pour se faire apprécier des gens comme Hella. D’un voix autoritaire, il cracha : « On l’emmène. Lui et les autres. » Evidemment, il parlait du pyromane, mais quels autres ? Ils n’en avaient attrapé qu’un seul. Combien de fils de braells avaient donc tenté de foutre le feu au visage ? Et encore, ils n’étaient qu’à la rivière. Peut-être que la moitié de Skuli avait commencé à brûler ailleurs. Hella retint un commentaire sarcastique, jugeant que se mettre à dos le fils Heill si rapidement n’était sûrement pas une bonne idée. Elle intercepta le regard de son frère, et son signe de tête. Elle lui tourna le dos, ils règleraient leurs problèmes plus tard.

Elle entendit tout de même sa voix résonner dans les souterrains. « Il faut évacuer tout le monde. Regagnons la surface, on avisera là haut ... Je m'occupe de lui. » Il donna un coup de masse à l’arrière du crâne de leur prisonner, et le hissa sur son dos. Hella intercepta le regard désapprobateur de Rolf Heill. « Il n'est pas mort. Il ... dort, plutôt. » Si elle n’avait pas été si en colère contre lui, elle aurait souri.
Il commença à marcher, sans se soucier de voir si tout le monde le suivait. Hors de question qu’elle s’occupe des fichus gamins et de ceux considérés comme les plus faibles. Osbern pouvait bien faire ça. D’une voix moqueuse, elle murmura à Heÿlda, qui était à un mètre à peine : « Vas-y donc Rafiki, montre nous le chemin. » Mais elle semblait avoir quelques corbeaux de retard, trop occupée à contempler Osbern comme s’il était un morceau de viande.

La sang mêlée poussa un soupir à fendre le cœur de Fenrir, et se mit en chemin elle aussi. « Vous, suivez moi si vous voulez rentrer chez vous » lança t-elle, peu aimables, aux deux mioches qui semblaient pendus à ses lèvres. La menace de Vyro avait apparemment pris effet plus qu’elle ne l’aurait souhaité.