Région d'origine ● Le royaume tamoul de Chola, au sud de l'Inde, bien loin des Wends dont elle se sent pourtant désormais proche. Date de naissance ● 1255, elle ne connaît pas le jour exact de sa naissance. Âge ● 40 ans. Nature du sang ● Pur, c'est du moins ce que son père a assuré à Lennart lorsqu'il l'a achetée. En réalité, d'où elle vient la pureté du sang importe moins que la noblesse et la puissance de la magie. Mais pour les Heill et ici, elle est une sang-pur nécessairement. Particularités magiques ● Aucune. On raconte qu'elle maîtrise des formes de magie que personne ne connaît, mais elle n'avait que 13 ans lorsqu'elle a quitté l'Inde : ce que son pays avait à lui enseigner, il n'en a pas réellement eu le temps. Métier/études ● Femme au foyer, épouse de Lennart Heill et mère de Kaya.

Étapes Nasrin est née Rashidun, un nom qui n'est pas connu sur ces terres, qu'elle ne prononce jamais depuis vingt-sept ans, mais qu'elle n'a pas oublié une seule seconde. Oui, c'est ce qu'on appelle communément avoir une satanée bonne mémoire. • Enlevée à sa famille, arrachée à son pays, éloignée de ses terres, Nasrin a cru que sa vie finissait quand elle commençait • Nasrin n'est jamais allée à l'école, ni en Inde, où elle bénéficiait d'un précepteur personnel, ni en Scandinavie, où personne n'a évidemment songé à l'envoyer à Durmstrang puisqu'elle était déjà mariée. Les récits scolaires de Kaya la transportent et s'il ne tenait qu'à elle, elle garderait sa fille auprès d'elle le plus possible pour l'entendre lui raconter ce qu'il s'y passe • Sa magie est donc assez étonnante, entre traditions indiennes, autodidacte, et apprentissage scandinave sur le tas. Il paraît qu'elle peut créer ou invoquer des créatures avec son chant, mais nul ne sait trop dans quelle mesure la rumeur est vraie • Nasrin rêve de couleurs chatoyantes depuis vingt-sept ans, de paysages luxuriants et de tenues colorées. Les bijoux et les étoffes que son mari lui ramènent parfois sembleraient à d'autres peu intéressants, mais ils sont pour elles de bienheureux symboles de cette lumière oubliée, et elle lui en est extrêmement reconnaissante • Elle préfère évidemment la chaleur au froid, mais elle aime la neige, passionnément, sans se l'expliquer. Le silence et la douceur qu'elle entraîne soudain avec elle. L'uniformité et l'universel qu'elle semble charrier à chaque passage. La neige la fascine comme au premier jour. • C'est peut-être parce qu'elle n'a jamais eu d'école que les cours de médecine que lui dispense aujourd'hui Vegar Laguz la comblent autant • Gravement malade l'an dernier, elle s'est vu confrontée à l'idée de mourir un jour ou l'autre. Sur sa liste de choses à faire avant de partir ? Revoir son frère, bien qu'elle n'y croit plus et n'ait pas prévu d'entreprendre quoi que ce soit (imaginez en revanche si la rumeur venait à elle qu'il approche des côtes scandinaves) et aimer sa fille. Si bien que depuis l'an dernier, elle est, si c'est possible, encore plus aveugle à l'endroit de sa fille : Kaya est tout bonnement l'enfant la plus chérie de tout le monde nordique. • Elle a des sourcils parfaits, une peau parfaite, des cheveux parfaits. C'est normal, elle est indienne et elle n'a rien à faire de ses journées. Le duo du succès.

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Et vous, la pureté du sang, vous en pensez quoi ?

Il y a quelque chose à en penser ? Pas réellement pour Nasrin, non. Son sang noble, comme le sang pur de son mari, ce sang qui coule dans les veines de sa fille chérie, ce sang est le garant d'une supériorité certaine. Les choses sont ainsi, que veut dire en penser quoi que ce soit ? Ceux qui n'ont pas le sang pur peuvent être dignes d'intérêts ou de conversation, simplement ils ne vivent pas sur la même marche de l'univers qu'elle. Elle, née et élevée dans l'aristocratie sud-indienne, devenue femme au sein des Heill, famille pure et consciente de sa pureté s'il en est, fait partie d'un monde particulier, qui n'a pas besoin de frayer avec les inférieurs, tout simplement.

Si vous ne deviez jurer que par un seul mage ancestral, ça serait lequel ?

Carina lui a dit d'abord, lorsqu'elles apprenaient à se connaître, qu'elle n'était pas si étrangère, qu'elle ressemblait en réalité à Sif. Non pas pour les longs cheveux d'or, mais pour son chant admirable, et la vie qui s'annonçait à elle, dans l'ombre de son époux. Mais en réalité, dès que Nasrin se mit à percevoir un peu mieux la complexité du Panthéon nordique, c'est Freyja qui a suscité sa curiosité et son admiration. Celle qui était capable d'allier beauté, bonté, et puissance guerrière. Celle qui a vécu plusieurs vies, et dont l'histoire est attachée à un collier aussi magique que magnifique. Celle qui va vers les autres, et protège les défunts. Une figure qui a longtemps fait rêver la jeune Nasrin, et à laquelle elle aime toujours à se rattacher.  

Quel souvenir avez-vous du labyrinthe de Dürmstrang ? Ou ça vous fait envie ?

Oui, ça lui fait envie. Beaucoup passionnément à la folie. Déjà tout simplement parce qu'il s'agit de l'entrée dans une école de magie, cadeau qui ne lui a jamais été offert, à elle que son rang avait pourtant promis à la meilleure des éducations. Parce qu'il s'agit de la garantie de ressortir quelques années plus tard bien plus puissant que l'on y est entré. Nasrin a longtemps rêvé d'une école. Petite, elle enrageait de n'avoir qu'un précepteur, et de ne pouvoir jamais se mêler aux autres enfants. Jeune femme sur les terres scandinaves, elle ne comprenait pas où étaient les autres filles et garçons de son âge. À Durmstrang, lui répondait-on. Et pourquoi n'y était-elle pas, elle ? Car elle était déjà une femme. Avant même d'avoir eu le droit d'être une enfant. Durmstrang a toujours nourri ses rêves, et elle ne se lasse jamais d'en entendre parler. Cela, tous ceux qui connaissent Nasrin le savent. Ce que l'on sait moins, c'est que le labyrinthe lui même la fait fantasmer. Oui, la tendre et rêveuse Nasrin s'imagine avec curiosité les monstres qu'on y croise, les formules que l'on y invoque, les plantes maléfiques auxquelles on s'accroche. Ce n'est pas une guerrière, elle ne l'a jamais été. Et pourtant, elle aime dans ses rêves à se mesurer à ce fameux labyrinthe, et à en ressortir auréolée de victoire. Nasrin est tendre et rêveuse, cela ne fait aucun doute. Mais peut-être n'est-elle pas non plus que ça.

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1268 « Tu ne l'as même pas vendue papa, tu l'as donnée ! Tu l'as abandonnée ! Comme un chiffon qu'on laisse sur le bord de la route sans regarder derrière soi !  - Tu ne parles pas comme ça à ton père Ajay ! - Ce n'est pas mon père, regarde ! Regarde les cailloux dorés contre lesquels il a troqué ta fille. Ma soeur ! Votre seule fille ! C'est ça que tu appelles un père maman ? Pas moi. » Nasrin n'entendit pas cette conversation, pourtant décisive pour la famille Rashidun. Le navire sur lequel elle était embarquée depuis plusieurs semaines touchait enfin aux côtes nordiques. Depuis plusieurs semaines, le froid lui mordait la peau, et chaque jour qui passait la voyait s'emmitoufler dans des couvertures supplémentaires. Elle était loin des paysages indiens verdoyants, loin des soieries auxquelles elle était habituée. Avait-il toujours été écrit ainsi, son destin ? Son père savait-il depuis sa naissance, qu'un jour un étranger venu d'un autre monde arriverait pour l'acheter ? Peut-être cela était-il prévu de longue date. Peut-être les tas d'or échangés n'étaient que la surface d'une ancienne dette, ou d'une ancienne promesse. Les cris et les malédictions de son frère semblaient indiquer que lui aussi avait été pris par surprise. Que lui viendrait la ramener à la maison. Peut-être son père lui expliquerait-il alors à quel point cet échange était vital pour la famille. Échange, pas achat. Oui, Nasrin s'inventait des histoires dont elle était l'héroïne sacrifiée. Mais c'était tellement plus beau que de se dire qu'enfant, elle avait été achetée par un jeune homme voulant faire d'elle sa femme. Lennart sauta par-dessus bord, il voulait être le premier à fouler de nouveau le sol de sa patrie. Les cheveux flottant au vent, le visage barré d'un sourire radieux, il se tournait vers elle, lui tendant la main pour l'aider à descendre. Lui offrant ses deux bras, pour la poser en douceur sur cette terre aride. Elle savait que ce n'était pas une étape de plus. Elle savait qu'elle était arrivée. Du moins qu'il était arrivé. Elle, elle ne se sentait certainement pas à destination, son trajet à elle ne pouvait pas s'arrêter là. Mais à en croire l'accueil amical d'une fille venue soudain la serrer contre son coeur, c'était pourtant là qu'elle s'arrêtait. « Je suis Carina » dit la fille souriante. Et voyant l'air neutre sur le visage de l'étrangère, la scandinave répéta son nom, se désignant de la paume de la main. « Carina ». L'étrangère ne souriait pas, mais posa sa paume contre elle-même et répondit : « Nasrin ».

Hiver 1269 Nasrin traversait les couloirs vides. Il était resté un an à ses côtés, puis était reparti. Pour quelques semaines simplement, avait-il précisé. Elle lui avait souri. Instinctivement. Elle lui souriait. Jamais elle ne l'avait haï, pas depuis qu'il l'avait si précieusement guidé dans les contrées glaciales, la serrant contre lui et devinant toujours son moindre besoin. Il était certes la raison de son arrivée ici, mais c'était une raison tellement improbable, tellement absurde et douloureuse, ce déracinement par l'or jeté aux pieds de son père, qu'elle avait choisi de ne pas l'en tenir responsable. Elle n'oubliait pas. Elle n'oublierait jamais. Mais ce souvenir restait enfermé dans un coin de son esprit, qu'elle ne rappelait que le soir. Lui parti sur son navire, il lui était plus facile d'épancher son coeur et d'entamer sa prière quotidienne. Il ne comprenait certes pas l'hindi, mais c'était tout de même plus simple en son absence. « Que Agay aille bien et soit heureux, qu'il devienne un homme pour venir me chercher. Que père et mère soient heureux ensemble aussi longtemps qu'il est écrit. Que notre famille soit protégée toujours. Vishnu, j'ai besoin que tu veilles sur moi. Je suis ton enfant même là dans cet autre monde. Je suis ta fille, je dois me montrer digne de toi. Je suis une fille de Vishnu, et Lennart doit le savoir, lui qui a décidé de poser ses mains sur moi. Lui qui a décidé hier soir que j'étais sa femme pour de bon. J'ai besoin de toi pour rester sûre et pour grandir. Sous ta protection, je vais apprendre et grandir. Apprendre cette langue et leur manière de vivre. Mais je ne t'oublie pas Vishnu, même ici c'est toi qui me guides. Et c'est toi qui me ramènera à la maison quand il sera temps, me portera sur ton dos. Ne m'oublie pas Vishnu, car moi je ne t'oublie pas. » Elle était à genoux dans le salon, et n'avait pas surpris le regard de Jarl. Elle se releva prestement, gardant les yeux baissés. Le frère de Lennart était un homme déjà, du haut de ses 19 ans, et elle le connaissait mal. Le regard posé sur elle ne semblait pas particulièrement malveillant, au contraire, et elle lui en était reconnaissante. Seulement avec Lennart au loin, elle était seule, livrée à elle-même. Seule, car les Heill n'étaient pas sa famille. Ni son clan. Pas encore. Elle courut vers sa chambre et s'affaissa sur le lit. Hier avait été une étrange nuit, elle se souvenait de l'odeur du corps de Lennart prenant possession d'elle pour la première fois. Elle n'avait rien ressenti sinon une certaine gêne, d'être soudain aussi nue et fragile. Ce soir, elle était heureuse d'être seule et s'endormit en rêvant que Vishnu métamorphosé en tortue fendait les eaux glacées pour venir la récupérer.

Fin de l'été 1270 Le bébé gigotant dans son panier accaparait évidemment l'attention. Les Heill étaient là, en nombre, admirant la nouvelle née, le fruit de l'union entre Lennart et l'étrangère. L'étrangère ? Non, chacun connaissait son prénom et dès la seconde où elle avait enfanté une Heill, elle n'avait plus rien d'une étrangère. Le bébé accaparait l'attention, mais pas dans sa totalité. Car les spectateurs de la scène restaient parfois fascinés par cet autre spectacle qu'ils avaient sous leurs yeux : le sourire incroyable de Nasrin, son rire léger, cristallin, qui s'élevait soudain sans d'autre raison que le bonheur qui l'habitait. Un sourire qu'ils n'avaient jamais vu, que Lennart même semblait découvrir. Un rire dont on ne se lassait pas, et chacun venait lui renouveler ses félicitations pour le plaisir simple de voir ce sourire leur être destiné. Mais ils savaient, tous, qu'en réalité ces sourires n'étaient destinés qu'à une et une seule personne : Kaya, gigotant toujours furieusement dans son panier, si belle déjà que sa mère en riait de plaisir. Nasrin Heill. Kaya Heill. Nasrin était fière, fière comme elle ne l'avait jamais été. Elle virevoltait autour de sa fille, avant de revenir se blottir contre Lennart. Il lui avait offert une enfant formidable, et sa vie semblait prendre un tout autre sens. Le froid lui avait soudain offert le plus beau des trésors. Penchée au-dessus du berceau, Carina lança un sourire sincère à Nasrin. Jamais on n'entendrait Nasrin se plaindre de sa belle-soeur, et sa colère était même à craindre si elle entendait en dire du mal. Car Carina était sa famille, sa soeur, son soutien. Depuis le premier jour qu'elle avait posé le pied en Scandinavie, jamais elle n'avait manqué de l'aide ou de l'attention de sa soeur, qu'il s'agisse d'apprendre ses premiers mots norrois ou de choisir l'alimentation la plus équilibrée pour sa grossesse. Et lorsque Rolf était né, Nasrin avait été rassuré de savoir que Kaya aurait aussi quelqu'un pour veiller sur elle, toujours. Ce cousin qui avait exactement son âge. Parce qu'ils étaient de la même famille. Parce que tous, ils étaient sa famille, à Kaya et à elle. Parce que c'était une Heill, et qu'elle en était soudain si fière.

Été 1285 « Salutations Vishnu, en ce jour magnifique. Fais que les miens en Inde soient heureux aussi longtemps qu'il est écrit, et qu'une vie magnifique soit offerte à Kaya. Protège les Rashidun et les Heill. - Qu'est ce que tu chantes ma tante ? - Oh Rolf, je ne t'avais pas vu. Je ne chante pas je prie. - Ha, tu sais que Kaya n'a pas besoin de tes prières hein ? Je t'assure qu'à Durmstrang elle assure ses arrières comme il se doit. » Ils rirent ensemble, mais Nasrin se réjouissait cependant réellement de sa plaisanterie. Certes, l'ironie qu'elle y devinait lui rappelait que sa fille était peut-être un peu trop brusque et débrouillarde. Trop ? Non certainement pas. Tant mieux, si elle était débrouillarde, autonome et confiante. C'est tout ce qu'elle lui souhaitait. La veille, son mari lui avait parlé de deux idiots dont Kaya s'entourait. Déjà, ils n'étaient peut-être pas si idiots, après tout ils étaient tout de même à Durmstrang, lieu qu'elle n'avait de cesse d'idéaliser. Et puis si Kaya défendait son choix, c'est que c'était un choix réfléchi. Et puis de toutes façons, globalement, tout ce que Kaya faisait ne pouvait être que parfait dans l'esprit de Nasrin. Oui, Nasrin était et reste la personnification la plus exacte de l'aveuglement maternel. « Rolf ? - Oui ? - C'était bien alors Durmstrang ? » Nasrin lui sourit. Les vacances d'été était un grand moment de retrouvailles, et si Rolf était venu la voir, ce n'était pas uniquement pour y croiser sa cousine. Elle s'entendait bien avec son neveu, et l'écoutait volontiers lui narrer ses exploits. Elle le savait certes fanfaron et mauvais joueur, mais elle appréciait sa spontanéité et ses plaisanteries. Nasrin n'avait que trente ans, elle était jeune encore, ne voyait pas le temps passer. Elle sentait encore en elle l'enfant déraciné, celle que la naissance de Kaya avait attaché à cette terre alors qu'elle ne s'y sentait même pas encore chez elle. Elle avait grandi avec sa fille, elle avait fini d'apprendre la langue avec elle. Mais contrairement à Kaya, elle ne sortait que peu de chez elle. Une fois par jour, elle prenait l'air et regardait les navires passer au loin, rêvant aux hommes et aux femmes qui s'y trouvaient, aux pays qu'ils croisaient, aux langues qu'ils apprenaient. Elle ne souhaitait pas embarquer, mais son imagination riche lui suffisait à s'évader. « Nasrin ? Rolf ? - Oh Lennart tu es rentré ! » Rolf les regarda se prendre furtivement mais tendrement dans les bras. Immédiatement, il prit des nouvelles de Kaya, mais la regardant, il lui demanda comment elle allait, elle aussi. Leur relation était unique, et celui amené à percevoir le bref regard qu'ils échangeaient le savait. Dans chaque regard, Nasrin revoyait le jeune garçon fier et outrecuidant qu'il l'avait acheté, garçon dont elle riait maintenant, tant il lui semblait loin de l'homme puissant et tendre qui l'enveloppait de sa tendresse depuis tant d'années. « Allez, viens, on va chercher ta cousine. » Ils s'en allèrent, la laissèrent dans cette chambre magnifique dont elle connaissait chaque recoin. Elle s'assit devant son miroir, redessina la courbe parfaite de ses sourcils, chanta quelques paroles en hindi, et un vent léger vint emporter le foulard se trouvant sur son lit, jusqu'à l'attacher sur ses cheveux. Nasrin n'était certes jamais allée à Durmstrang, mais peut-être était-ce l'usage léger qu'elle faisait de la magie depuis des années qui lui avait permis de maîtriser sensiblement une magie bien à elle, faite de chants hindis et de pensées en norrois, destinés à embellir, à aider, à soutenir.

Hiver 1285 « En garde ! » Kaya avait a peine brandi son arme qu'elle la laissa retomber mollement en souriant. C'était une plaisanterie, elle n'allait évidemment pas croiser le fer avec sa mère. Mais à sa plus grande surprise, leste comme un chat, Nasrin courut vers un long bâton perdu au milieu d'un bouquet de fleurs, et courut vers sa fille. « Reprends ton arme mademoiselle, on ne défie pas pour abandonner dans la seconde d'après ! » Stupéfaite, Kaya rit et para les coups habiles de sa mère, avant de se mettre à attaquer elle-même. Mais sa mère ne cédait pas de terrain, semblant danser autour de sa fille, et forçant Kaya à jouer elle-même au chat, avec une grâce qui avait d'ailleurs peut-être quelque chose à voir avec la génétique. « Comment est-ce que tu peux courir dans toutes ces soieries ? » conclut Kaya en réussissant tout de même à pointer son arme contre le coeur de sa mère, qu'elle retira aussitôt. Nasrin les joues légèrement rougies recula en riant et s'assit sur un coussin mordoré. « C'est dans ces soieries que j'ai appris à courir Kaya. - Et à combattre ? - Non, les femmes ne combattent pas, là-bas. J'ai plutôt appris dans un pyjama de mon frère, lorsqu'il me faisait lever nuit pour qu'on joue à s'entraîner. Nos parents ne devaient rien savoir, je ne devais pas froisser mes vêtements, alors il me prêtait les siens. » Kaya avait déjà entendu cette histoire, ou une version assez proche et Nasrin le savait. Mais il semblait que ni l'une ni l'autre ne se lasse des quelques souvenirs qu'elle avait de l'Inde.

Été 1287 « Le Sviar ? Mais qui t'a mis cette idée dans la tête ? - Je n'ai besoin de personne pour faire naître d'idées dans ma tête figure-toi Lennart, et si tu veux savoir je pense que tu es le premier à m'avoir parlé des côtes magnifiques et des légendes mystérieuses du pays - C'est pas une raison Nasrin, je t'emmènerai pas voir le Sviar, c'est trop loin, et puis c'est plein de sans pouvoirs les côtes en ce moment, je n'ai pas le temps. »

Été 1288 « Bon, il y en a pour plusieurs jours de bateau, tu es certaine que tu ne veux pas renoncer ? - Je suis prête. - On y passe juste trois jours et on rentre, c'est entendu ? - C'est entendu, merci Lennart. » Nasrin ne s'amusait pas spécialement à tenir tête à son mari, elle aurait d'ailleurs pu obtenir un oui bien plus tôt avec plus d'insistance. Mais si lui se montrait parfois rigide, elle n'agissait que progressivement. Et après un an de fines allusions et de rêves à hautes voix, elle avait obtenu son week-end découverte du Sviar all included. Sa fille aussi lui en avait parlé, apparemment la région était connue à Durmstrang pour ses dragons mystérieux et oubliés. Mais il y aurait aussi des fjords oubliés, et le port de Skuli, qui lui évoquerait celui de Durmstrang qu'elle ne connaissait pas. Et quelque part, Lennart était heureux d'imaginer partir en vacances avec sa femme. Car partir en vacances, c'était signifier que les Wends était leur maison, leur patrie, à tous les deux. Prendre le bateau pour retourner à la maison, cela voulait dire mettre le cap sur les Wends. Et certainement pas larguer les amarres vers le pays de son frère, non, cela était un ancien rêve perdu dans les nébuleuses de la mémoire.