Les années avaient passé, et fouler le sol de Durmstrang était toujours assez étrange. Lui qui s’était juré de ne plus remettre les pieds dans cette institution désuète et inutile, lui qui avait par la suite regretté amèrement de ne pas avoir réfléchi plus posément à la question, le voilà qui y revenait à l’occasion, auréolé du titre de professeur. Il n’avait pourtant rien d’un professeur, et se serait plutôt fondu dans la masse des élèves s’il avait eu quelques années de moins. D’ailleurs, tous le regardaient étrangement. Ceux qui n’avaient pas choisi l’option draconologie ne le croisaient absolument jamais au sein de l’établissement, et les autres étaient toujours intrigués de voir débouler l’ami de Hrolfr comme à l’improviste. Tyr pourtant ne devait pas sa visite à l’improvisation. Il serrait encore dans sa poche la lettre de son ami, prenant de ses nouvelles et lui proposant de venir lui donner un coup de main dès qu’il serait rentré dans le Sviar. « Tyr ? » Un large sourire s’étala soudain sur la figure d’Helgason, avant même qu’il ne se retourne pour voir d’où provenait l’interpellation. Il n’y avait pas beaucoup de voix qu’il reconnaissait entre mille, mais celle de sa jeune sœur en faisait partie. « Freyja ! »

Il était malheureusement à deux doigts de se mettre en retard, et cela il ne pouvait se le permettre. Pas s’il voulait continuer à bénéficier de ces interventions arrondissant sa bourse. « Je suis juste de passage, je vais donner un coup de main à Lärson. Tu vas bien Freyja ? On se voit bientôt pour Jòl de toutes façons ! » Il n’eut que le temps d’écouter sa sœur lui garantir que tout se passait comme il l’espérait, qu’il fonçait déjà vers les salles de classe. Juste à temps pour entrer dans la salle à la suite de Hrolfr, et se mettre rapidement au courant de ce qu’il aurait concrètement à faire aujourd’hui.

Le cours touchait à sa fin. Hrolfr avait abordé la question des dragons les plus exotiques, ceux que l’on ne croisait pas en Scandinavie, ceux dont on ne savait pas réellement s’il étaient ou non légendaires. Tyr avait pu raconter la seule fois où il avait découvert un dragon n’étant pas un bleu à museau court. Et alors qu’il relatait les évènements, sous les regards parfois émerveillés, parfois simplement assoupis, des jeunes sangs-purs qu’il avait en face de lui, il cherchait l’attention d’Elfi Öfugr. Celle qui s’était présentée à lui il y a plusieurs mois de cela, des étoiles dans les yeux et la voie si excitée qu’il n’avait pu tout suivre. Il était prêt à jurer qu’il avait cru la reconnaître au deuxième rang. C’était elle, et pourtant ce n’était pas elle. Apparemment butée, rejetée en arrière sur sa chaise, jouant avec sa plume s’il observait bien. Montrant donc tous les signes du désintérêt le plus profond. Elle ne dormait pas pourtant, et Tyr était prêt à parier qu’elle écoutait religieusement toutes les informations qu’il délivrait. Mais pourquoi diable ne levait-elle pas le regard vers lui ? Était-elle mal en point ? Lorsque la sonnerie retentit, marquant la fin du cours, sa curiosité était au plus haut point, tant et si bien qu’il indiqua à Hrolfr qu’il ne le rejoindrait comme prévu que dans quelques minutes. « Elfi hein ? Oui j’ai remarqué aussi qu’elle était moins réactive mais à ta place je ne chercherai pas à… Enfin, on se retrouve dans le hall. » Ne chercherait pas à quoi ? Est-ce que son ami savait quelque chose de ce changement d’humeur de l’élève ? Il ne fallut que le temps d'un Raido pour que le professeur disparaisse. Sa rapidité avait tout de la fuite. Tyr se trouvait bien plus intrigué qu’il n’aurait pensé l’être. Et Elfi qui s’apprêtait de toutes évidences à partir ? Étrange après-midi.

« Elfi ? Est-ce que tout va bien ? » Ils avaient partagé suffisamment de conversations intéressantes pour qu’il ne s’embarasse pas de prendre des pincettes. Et si Hrolfr avait lui aussi remarqué que quelque chose ne tournait pas rond, ce n’était pas Tyr qui se faisait des idées. « Un noir flamboyant et gigantesque n’a pas suffi à te dérider de toute l’heure, on aurait changé Elfi Öfugr ? » Il l’interpelle, suffisamment pour l’arrêter de toutes évidences, mais elle ne semble pourtant pas plus disposée à se réjouir. Tyr n’en revient pas. Une heure à évoquer les yeux violets étincelants de la bête croisée sur sa route il y a deux ans de cela. Ses ailes de chauvre souris. Les pointes tranchantes ornant toute l’échine de l’animal. Les crocs capables de détruire les plus belles armes comme du mauvais fer d'Islande. De quoi stimuler les plus grands rêves pour un amoureux des dragons. Et Elfi était une amoureuse des dragons, il le savait. Et il savait pertinemment qu’une passion comme cela ne disparaissait pas du jour au lendemain, alors quoi. « Ou bien ce n’était pas assez exotique pour toi ? » Il ne comprend pas, il ne sait pas. Elfi boude. Elfi méprise. Elle en a tous les signes. Mais que sa mauvaise humeur soit tout simplement dirigée contre sa propre personne, à lui ? Il n’y pense pas une seconde.