Solvej, et son frère puîné, Einar, ont emprunté le sillage des jumeaux Viggrinirr dès l'enfance. Ils étaient quatre, bien qu'ils furent toujours deux d'un côté, et deux d'un autre. Il y avait Einar et Fënyr, d'abord, amis, comme des frères. Puis Solvej et Hëylda, contraintes et forcées d'observer leur ressemblance. Mais il y avait encore Fënyr et Hëylda, jumeaux et belliqueux, cruels entre tous. Et, enfin, il y eut Solvej et Fënyr, deux jeunes enfants aux inclinations sourdes. Des épris, puis des amants. Mais il y eut Durmstrang, et ce sang-mêlé qui empêcha la jeune Delfdòttir d'acquérir le sésame... et le regard, particulier, abject, que le jeune Viggrinirr ne cessa plus jamais de poser sur elle. Elle eut été de sang-pur, ils se seraient mariés, passionnément. Elle l'aurait retenu, défendu d'entreprendre la quête qui le perd aujourd'hui. Mais il a jugé la qualité de son sang, et l'a dédaignée, humiliée. Ils ont préféré se haïr, en désespoir de n'être jamais réunis. Il le fallait bien et leurs deux corps, jamais consumés, en meurent de faim depuis. Mais ce n'était pas assez, semble-t-il, pour Fënyr de lui ravir son âme, et de détruire la demeure de son être. Il fallait encore qu'il assassine Einar alors qu'il partait à la recherche d'Hëylda. Il est impossible de savoir comme Solvej a su, comment Solvej a compris qu'il ne pouvait en être autrement : mais l'assassin de son frère est bel et bien parti vers le Noregr, et elle entend le ramener, chez eux, et le livrer à la Justice, à moins qu'elle ne se fasse vengeance d'abord. Ce n'est pas seulement pour le crime. C'est encore pour ce vide qu'il a jadis creusé en elle, promettant de le combler toujours, mais qu'il a laissé là, à l'abandon...

Peut-être est-ce parce que Fënyr n'en préférait aucune, qu'il se battait avec chacune, avec le même plaisir de vaincre. Peut-être est-ce plutôt pour leurs ressemblances, cette avidité au combat, ce besoin de faire bien, de tout faire comme un homme. Toujours est-il qu'Hëylda et Solvej se sont trouvées amies, depuis l'enfance jusqu'au jour d'aujourd'hui. Car Solvej était là, lorsque Fënyr frappait ou trop fort ou trop bien. Car Hëylda était là, quand la jeune Delfdòttir fût vaincue par le labyrinthe, quand la traîtrise de son sang fût enfin révélée. Contrairement à son frère, Hëylda n'en jugea rien. Bien au contraire. Elle insista, des deux côtés, pour que leur mariage ait bien lieu, pour que Fënyr connaisse le bonheur que, d'ailleurs, elle ne connaîtrait pas : celui de choisir son épouse. Mais il s'y refusa. Biaiser son sang. Affaiblir sa lignée, et là où une haine naquit entre les deux amants, les deux femmes demeurèrent, certaines, loyales l'une envers et l'autre. Et c'est tout naturellement que Solvej fût présente lors du bannissement d'Hëylda. Elle était là. Elle a tout vu, tandis que Fënyr manquait à l'appel. Bien entendu... Et quand les événements se sont enchaînés, quand Hëylda a fui, quand Fënyr l'a suivi, assassinant Einar dans sa fugue, Solvej eut une pensée pour cette amie, absente, perdue. Sa traque du jumeau est salvatrice puisque, lui cherchant sa jumelle, la Delfdòttir pourra, du même coup, ravir l'assassin de son frère et convaincre Hëylda, la retrouvant, de la folie dans laquelle Fënyr s'est plongé sans plus pouvoir, jamais, s'en extirper.