Ses parents. Que, à l'inverse de son frère, Aesa ne souhaite pas blesser. Elle n'eut  jamais honte de sa naissance, et ne trouve ni faiblesse ni lâcheté chez son père ou sa mère. S'ils ne nourrissent pas le rêve essentiel d'être libérés, l'une est douce, et l'autre raisonnable. Aesa sait qu'elle fait preuve de l'indulgence qu'exige l'existence d'un aîné excessif - car elle se trouve bel et bien à mi chemin entre les chimères de son frère et la quiétude de ses parents. Mais peu importe. Car si elle a écarté ses parents, si elle mène une vie jalonnée de dangers, elle leur rend pour toujours le respect qu'elle leur doit. Car, à son sens, il n'ait aucun mal, dans sa grande pauvreté, à conserver le peu que l'on possède plutôt que de courir ce qu'on n'aura certainement jamais. 

Six années ne sont pas insurmontables. La difficile nature de son frère, elle, l'est bien davantage. C'est qu'il a toujours eu ces larmes brûlantes, ce feu dans les reins et cette colère au ventre. Lui a voulu lutter contre son sang infâme. Aesa, elle, l'a embrassé. Elle n'a pas vu le sublime du meurtre qu'Isleif appelle « Justice ». Bien sûr, Isleif mettrait le feu à la moitié du monde pour le bonheur d'Aesa, mais elle ne pardonnerait pas cette horreur. Elle est d'une mesure qu'il lui reproche souvent, d'une fragilité qu'il invente de toutes pièces. Elle n'a pas pu être l'enfant, être victime, avec cet aîné impétueux ayant déjà vécu deux vies. Isleif a défendu à leurs parents de la noyer dans l'ignorance qu'ils vénèrent et, néanmoins, s'est évertué à l'écarter, la protéger. Aesa en a tiré un grand orgueil car, bien qu'elle ne voit jamais sa liberté à la gorge écorchée d'un sang-pur, elle sait comme elle est faite du même alliage que lui : les incapables de subir. Depuis, leurs sentiments ont mué en amour répugné ; lui, dans le déni de ce qu'elle est, cette jeune femme puissante et influente ; elle, certaine qu'il va pour commettre l'impardonnable. Ce qu'il a fait. Elle y était. Elle a tout vu de Jól, et de Skuli. Elle a tout vu de lui qui s'évapore dans le brasier. Elle a tout vu du crime. Elle a vu ce grand assassin qu'elle disait son frère.

Ce fut une rencontre fortuite alors qu'elle cherchait Tyr. La gamine parlait à une assemblée totalement captivée dans une taverne d'Hafn Dreki, avant qu'elle ne se lève, s'exalte et enflamme la foule avec elle laissant la sang-pur stupéfaite par le spectacle. Lorsqu'elle eut fini, elle rejoignit des compagnons passant une partie de la soirée dans la taverne avec eux et Aska profita de l'occasion pour complimenter la jeune femme et en apprendre plus sur elle. Aesa accueillit les louanges avec un sourire mais resta réservée avant de s'éclipser. Le jour qui suivit Aska s'informa l'air de rien auprès des autres habitants d'Hafn Dreki, apprenant ou aurait lieu le prochain tableau de la gamine. Elle s'y rendit et attendit qu'elle ait fini pour lui proposer assez d'öl pour lui délier la langue, alors que la sang-pur tenant bien mieux l'alcool amenait subtilement Aesa a se confier. Son sang, son frère, son combat. Se rendant compte de la position de la gamine, Aska se positionna en mentor, prenant sous son aile Aesa en lui proposant une alternative modérée et en la poussant à fédérer les mêlés autour d'une voix pacifique à l'accession de leur droit tout en essayant de la couvrir suffisamment pour ne pas la laisser se mettre en danger, entraînée comme elle est par le grondement assourdissant de la révolution.