« Promis, Ingrid, je ne ferai rien. Juré sur mon knörr. »

Il en était quand même rendu à promettre à la tavernière de ne plus se battre, histoire de quand même avoir le droit de boire, en ce jour de Jól. C'était honteux. Lui qui était fiable et sage comme toujours. Tout ça à cause de Bartram Oddi, quelques jours plus tôt, qui avait osé... osé... enfin, bon. Il n'avait pas été mieux, puisqu'il avait répondu à ses mots et ses provocations. Et pas de la façon la plus diplomate qu'il soit. La métamorphomage lui donna les deux chopes de öl demandées, une pour lui et une pour Leif, et il partit un peu plus loin rejoindre le Leif en question. Ils avaient fière allure, les deux cousins, avec leurs visages encore marbrés de la bataille de la semaine passée ! C'était certes moins pitoyable que le lendemain, mais ça n'avait franchement rien d'amusant. Les ecchymoses s'étalaient encore en corolle violacées sur ses joues et ses poings, constituant la partie visible de l'iceberg.
Quand il riait, ses côtes lui faisaient encore beaucoup trop mal.
Mats donna sa chope au Karlsefni, avant de prendre place à ses côtés sur le siège en bois où il l'avait attendu. C'était la première öl de la journée, pour sa part en tous cas, et elle allait être plus que la bienvenue. « J'ai dû soudoyer Ingrid, pour qu'elle accepte de te servir. Vu tous les problèmes que tu as causé... » Un sourire, il le taquinait, c'était toujours lui qui générait involontairement les problèmes, et il frappa sa chope contre la sienne. « À Vetr ! Dès la semaine prochaine, on part de la Scandinavie et on va passer cette saison au chaud. » Comme à chaque année. Il y avait encore tant de choses à explorer, de peuples à découvrir, et Mats était heureux de profiter du temps des glaces pour quitter sa contrée natale pour aller voir ce qu'il y avait au sud.

Le viking prit une longue gorgée de la boisson. Par la grâce d'Ingrid Lokabrenna, que c'était bon ! C'était bien la première chope, mais ça n'allait certainement pas être la dernière, foi de Karlsefni. Il poussa un long soupir de contentement après avoir avalé la gorgée. Et posa ses yeux sur une sœur Oddi et l'épouse de Bartram, qu'il préféra ne pas regarder avec trop d'insistance. La bataille était du passé et en temps normal, ils ne s'entendaient pas trop mal, tous ensembles, mais là... il valait mieux ne pas tenter les Nornes. Par contre, il fit un signe à Eric Vondr, l'enjoignant à venant les rejoondre. Mats tourna son regard vers Leif, restant sur le même sujet que précédemment. « J'espère que tes corbeaux sauront encore se rendre jusqu'ici, cousin. » Manquerait plus que sa douce mystérieuse reste sans nouvelles...

Cette fête était un événement à ne pas louper et que toutes les familles allaient fêter à Skuli. Vilma Oddi n'échappait pas à la règle et elle allait donc comme toutes les autres jeunes filles participaient à ces festivités. Assez timide, elle avait pris l'habitude de se faire discrète, dans ce genre d'occasions, mais ce n'était pas pour autant qu'elle négligeait ces moments de réunion de la population. Accompagnée de sa famille, elle caressait secrètement l'espoir de pouvoir croiser Rolf Heill à l'occasion et de discuter un peu avec lui. Il avait sur Vilma une présence apaisante -plus qu'elle ne l'aurait avoué en vérité.

La dernière Oddi de la fratrie avait pris soin à sa tenue, car elle estimait que c'était important de faire honneur à son rang -ou plutôt à sa famille. Une sang-pure, elle l'était certes, mais cela ne l'intéressait que très peu. Elle mettait plutôt un point d'honneur à satisfaire la fierté familiale -bien qu'elle se jugeât beaucoup moins douée que tous les autres. C'était donc dans une belle tenue qu'elle avait elle-même cousu que Vilma accompagnait les Oddi. Sunhilda, sa belle-sœur, était une femme qu'appréciait et admirait beaucoup Vilma et elle ne manqua donc pas de s'approcher de celle-ci pour discuter, tout en buvant avec plaisir les boissons proposées au cours de cette fête du solstice d'hiver. «-Je vais très bien, Sunhilda ! J'apprécie cette fête ! » Les joues de Vilma étaient rosies par le plaisir et également l'anxieté à cause de la foule qui était présente. Souriante, néanmoins, elle montra à sa belle-sœur que tout lui plaisait ici. « -Je suis sûre que nous allons passer une très bonne soirée ! » Quelques secondes plus tard, Sunhilda interpellait Hedvig que Vilma ne connaissait pas vraiment et la jeune Oddi se retrouva donc un peu seule au milieu de cette foule.

Elle aperçut un stand où on vendait des amulettes de toute sortes, afin d'obtenir la protection et elle les observa avec curiosité : peut-être devrait-elle s'en acheter une … Mais laquelle en vérité ?

« Promis, Ingrid, je ne ferai rien. Juré sur mon knörr. »
« Tu as plutôt intérêt Karlsefni, sinon que je sois avalé par Jörmungand si je te laisse reposer un pied ici. »

Sans un regard de plus pour le marin, Ingrid Lokabrenna retourna se fondre dans la foule portant dans chacune de ses mains des chopes de jólaöl prêtes à déborder. Le jour de Jól était enfin arrivé, c'était l'occasion pour la Rose de Fer et sa tenancière d'asseoir un peu plus sa réputation. Pour l'occasion, la taverne avait ouvert un kiosque à l'extérieur ce qui compliquait grandement la tâche de tout ceux qui avaient été recrutés pour l'occasion.

La Lokabrenna s'occupait principalement de l'intérieur et elle avait préféré laissé à Hedvig le service extérieur afin de fluidifier le service qui se devait rapide et avec la même qualité que le reste de l'année. Et tant pis si Vetr pointait déjà le bout de son nez et qu'elles n'avaient pas encore eu l'occasion de boire pour se réchauffer puisque de toute façon avec leurs allé-retour suffisaient amplement à remplir cette tâche. Ingrid n'avait même pas eu le temps de s'arrêter pour discuter avec Eric Vondr qu'elle avait aperçu dans un coin, et à vrai dire cela l'arrangeait un peu car depuis l'autre nuit où il l'avait raccompagné elle ne savait plus trop si elle avait envie de le côtoyer plus que ça. Prise dans le feu de l'action, elle mit du temps avant de remarquer que le cor d'Heimdall avait raisonné indiquant qu'un grand danger était en train de se passer.

« Des margygrs ! Dans le port ! »

La panique gagna l'ensemble de la foule et Ingrid s'empressa hors de la taverne afin de s'assurer qu'Hedvig était en sécurité. Mais des mains l'attrapèrent et la jetèrent au milieu d'hommes qui avaient commencés à se battre. Les tonneaux d'öl avaient été percés et renversés laissant le sol aussi glissant que dans les îles glacés. A côté d'elle Sunhilda Oddi se retrouva à terre, à la merci des sauvages en train de les attaquer et sans plus attendre, la Lokabrenna lui attrapa le bras pour l'aider à se relever. Tout ceci était incompréhensible et pour la première fois depuis longtemps, les cheveux de la descendante de Loki devinrent rouge sans qu'elle ne le fasse volontairement. Ces barbares s'attaquaient à sa taverne, son seul enfant et ils risquaient de blesser des gens qu'elle appréciait, ses clients et ça elle n'appréciait pas. Grossissant sa main autant que son don de métamorphomage le permettait elle assomma un de ces sang-roux qui s'apprêtait à détruire un nouveau baril d'öl à défaut de pouvoir faire autre chose.

Dans sa naïveté, Vilma Oddi n'avait pas senti tourner le vent, aux festivités du solstice d'hiver. Elle y était bien, heureuse de partager ces moments avec sa famille bien-aimée. Car en effet, la famille était pour Vilma d'une importance primordiale. La présence et l'amour de ses proches étaient des éléments indispensables de la vie de Vilma, elle n'imaginait pas une autre façon de vivre, qu'entourée de ceux qu'elle aimait. D'ailleurs, cela avait été difficile pour elle de partir à Dürmstrang et d'être séparée de son père et d'une partie de ses frères et sœurs. Sans compter qu'elle avait laissé sa petite nièce chérie, la jolie Sigrid, derrière elle. Désormais, les rôles étaient cependant inversés et c'était Sigrid qui laissait après chaque vacances sa jolie tante seule auprès des siens, en repartant vers de nouvelles aventures.

Mais soudainement, le cocon de bonne humeur de Vilma explosa sous le cri d'une malheureuse femme. Il semblait que la situation était en train d'échapper à la population présente ce jour-là pour fêter le solstice. Des margygrs. Le sang de Vilma ne fit qu'un tour dans son corps et elle songea à la meilleure manière d'agir. Loin d'être impulsive, la jolie sœur de Bartram Oddi mettait plus souvent de longues heures avant de se décider à interagir ou à ne serait-ce que prendre une décision. Il y avait des mouvements de foules, les gens essayaient de fuir. L'öl se renverse sur le sol, Vilma évite de justesse un baril qui roule au milieu de la foule. Cherchant du regard sa belle-sœur, Vilma l'appelle. « -Sunhilda ? » Mais il semble difficile que celle-ci puisse lui répondre, vus les circonstances. Soudainement, elle l'aperçut enfin, sur le sol, mais déjà, une femme venait de l'aider à se relever. Tentant de se rapprocher, Vilma allait à contre-courant des hommes et femmes fuyant jusqu'àu bas de Skuli. Il lui fallut encore quelques instants pour enfin la rejoindre. « -Sunhilda, tu vas bien ? » Alors même qu'elle disait cela, un baril roula jusqu'à elles et Vilma ne put l'éviter à temps et fut percutée dans le bas du corps. Déséquilibrée, elle se raccrocha à Ingrid Lokabrenna. Ouille. Ce n'était pas exactement la meilleure manière de faire connaissance. Rouge de gêne, Vilma s'excusa. « -Je suis vraiment désolée, désolée ! ». La panique commençait tout doucement à s'emparer de la jeune femme. Mais Sunhilda était là, tout allait bien donc. «-Que se passe-t-il Sunhilda ? » demandat-t-elle bêtement. Comme si sa belle-sœur pouvait avoir toutes les réponses aux questions qu'elle se posait.

Elle eut à peine le temps de poser la question que déjà, la Lokabrenna assommait un des hommes. Ce n'était peut-être pas une mauvaise idée ... A condition que cela ne se retourne pas contre elles.

Mats roula les yeux au ciel. « Voyons, Leif. Je suis le capitaine le plus organisé de toute la Scandinavie. » Faux. Mais pour les expéditions, il ne laissait pas la place au hasard et aux maladresses. Un malheur était si vite arrivé. Et en parlant de malheur... Une jeune fille venait d'arriver à la Rose de Fer et si l'homme allait se lever pour lui offrir une bière, histoire de reprendre ses esprits après une telle course alors que la journée était à l'amusement, il se figea bien vite lorsqu'il entendit ses mots.

Margygrs.

Mats avait senti son cœur se débattre. Et les cauchemars revenir.

Sa mère pleurait alors qu'il n'y avait pas même le knörr funéraire pour emporter le corps de son père, déchiqueté par les margygrs.

Il tenait Matilda Raudi par la main, leurs deux visages recouverts de larmes. Mats était un homme, mais encore juste un garçon.

Le capitaine se leva de son siège, chassant les images, mais pas la rage, ni la peur. « Leif ! Au port ! » Hors de question de rester ici pendant que des margygrs tuaient – que des navires bondés se retrouvaient à la merci de ces créatures affreuses – hors de question de boire de la öl pendant que tout cela se passait. Sa chope s'était renversée. Il porta la main à sa hache, par habitude, et ne la trouva pas. Il n'avait pas sa hache. Non, évidemment, il l'avait laissée à bord de la Colère de Tyr. Son sang ne fit qu'un tour dans ses veines et il se pencha pour reprendre sa chope dans sa main, bien qu'elle soit vide. L'armada d'attaquants venait de débarquer, de surcroît, et partir vers le port devenait impossible. Et personne d'armé, sauf les... Il évita de justesse un baril, percé par une hache rageuse, et sa chope s'abattit sur le côté du visage d'une des femmes qui tentait de venir vers lui. Le brun attrapa son cousin par le bras, le tirant du chemin d'un assaillant, avant de le lâcher parce qu'il venait de glisser sur de la bière.
ÉVIDEMMENT IL DEVAIT TOMBER.
C'était pas le moment, mais ça ne semblait pas important, puisque le viking s'échoua à terre, dans la bière, se retrouvant trempé de ce liquide pour la deuxième fois en très peu de temps. Et bizarrement, cette deuxième bataille lui semblait beaucoup moins amusante. Mats mit sa main dans la bière et laissa une idée traverser son cerveau. La öl. Il n'avait pas d'arme, mais il était un sorcier !

Frénétiquement, il commença à tracer des runes sur le sol, avec la bière – et il verrait bien ce que ça donnait. Apparemment quelque chose de positif, puisque quand un des guerriers tenta d'abattre une masse sur son crâne, la masse rebondit contre une paroi invisible. Un dernier trait tracé et l'arme se glaça, éclatant dans la main de l'autre. La glace commençait à atteindre le guerrier, probablement un sang-mêlé, qui cherchait comment contourner le mur invisible Mats tendit la main, un « Fige ! » passant ses lèvres et arrêtant l'homme dans un mouvement. Immobile.

L'admiration de Vilma pour sa belle-sœur était suffisante pour que la jeune femme suive de manière aveugle les consignes de Sunhilda en situation de crise. Vilma ne savait, pour être franche, pas vraiment comment réagir. En vérité, elle n'était pas ni une grande magicienne ni une femme forte capable de se battre. Comment faire dans ces cas-là ? Sa chère belle-sœur lui avait conseillé de se mettre à l'abri ou bien de se cacher. C'était bien beau, tout cela, mais comment faire ? Il y avait partout des personnes étranges, du bruit, des bagarres, des tonneaux d'öl qui roulaient de manière désordonnée.

Cherchant du regard un endroit où elle pourrait se camoufler, Vilma aperçut une petite corniche pas très loin de l'auberge. Mais pour l'atteindre, il lui faudrait avancer au milieu de cette foule déchaînée et elle n'avait sincèrement pas les capacités d'affronter qui que ce soit. Secouant la tête, Vilma secoua la tête et chercha Sunhilda. Celle-ci était en train de se battre à main nue avec une sauvageonne très particulière. La dernière des Oddi en âge comme en capacités – de son point de vue- ne savait plus comment agir. Suivant le mouvement, elle aperçut un homme qui portait une torche enflammée. Non, il n'allait pas oser … Mais à peine avait-elle formulé cette pensée qu'elle se rendit compte de sa stupidité : en vérité, vu les circonstances, il n'y avait rien que cet homme n'oserait faire.

La jolie Oddi se retrouvait face à ses peurs les plus intimes, incapables de prendre des décisions dignes de ce nom. Mais soudainement, un homme effrayant passa devant elle et croisa son regard une première fois puis une seconde fois. Et il s'arrêta net devant elle. Vilma recula, instinctivement, et buta contre un tonneau d'öl qui roulait par-là. Il fallait qu'elle se sauve, qu'elle courre en fait, plus précisément. Mais elle était comme pétrifiée face à cet homme qui se dressait face à elle. Finalement, jetant un grand cri, Vilma sauta de côté et courut aussi vite qu'elle put jusqu'à l'abri qu'elle avait aperçu. C'était évidemment vain, car elle savait que tôt ou tard, elle allait être à nouveau confrontée à quelqu'un qui l'arrêterait dans sa fuite, que ce fut un ami ou un ennemi …

Les évènements s'enchaînaient sans qu'Ingrid n'ait réellement le temps de comprendre ce qu'il se passait tout autour d'elle. Les quelques vikings encore présents qui n'avaient pas filés vers les quais pour empêcher l'attaquer des margyrs se faisaient peu à peu submerger par le flot d'abrutis en pleine crise de folie. Plusieurs flèches vinrent se planter dans la chevelure d'ébène d'Ingrid qui les arrêta plus par réflexe qu'autre chose.

De la même façon, ce ne fut que quand Sundhila Oddi lança de larges vagues en direction d'un homme que la Lokabrenna pris réellement conscience de ce qu'il était en train de se produire. Ils allaient détruire la Rose de Fer, ils allaient tout brûler. Mais une hache sortie de l'ombre des souterrains arracha violemment le bras de l'ordure qui était sur le point de brûler la taverne. Le palpitant prêt à s'arrêter, Ingrid observa son père, son oncle ainsi que d'autres membres de sa famille entraînant dans leur sillage des hommes prêt à combattre.
D'un geste ferme Harald Lokabrenna poussa sa fille sur le côté tandis qu'une nouvelle flèche, qui aurait due lui transpercer le palpitant, ne fit que lui laisser une blessure sur le bras.

« Rentre Ingrid, ne reste pas ici » hurla Harald en direction de son unique fille. Mais la tavernière n'entendait plus rien. Ces hommes et ces femmes étaient prêt à détruire cet endroit où elle accueillait pourtant tous les hommes qu'importe la nature de leur sang, elle les avait tous traités de la même manière et c'est ainsi qu'il la remerciait. Allongeant ses doigts en de longues griffes acérées et sa bouche en forme de gueule de loup, Ingrid Lokabrenna s'élança dans la bataille prêt à déchiqueter tout ceux qui se mettraient en travers de son chemin à commencé par un homme qui s'apprêtait à frapper la jeune Oddi par derrière alors qu'elle cherchait à s'enfuir.

Tout allait si vite. Le cri de Sunhilda l'alerta et ses yeux s'ouvrirent bien grands quand ils se posèrent sur la silhouette qui portait le feu. Non. Ils ne devaient pas faire... Mats se releva du sol, mais y fut une nouvelle fois expédié par un coup de masse plutôt musclé qui l'étala aux pieds d'un maigrichon grimaçant. En réponse, il donna un coup dans les pieds de l'autre, qui fit la même chose que lui plus tôt – soit patiner dans la öl répandue au sol – et quand il tomba, ce fut pour accueillir une coup de poing de la part du Scandinave peu aimable. Il attrapa la masse, laissée au sol, et en flanqua un coup dans les côtes de l'autre. Un cri de guerre le fit relever la tête.
Des renforts. Et quels renforts !
Un sourire étonné éclaira son visage. Les Lokabrenna. Ils n'avaient jamais été du genre à trop se salir les mains et ils étaient en guerre éternelle... comme quoi la famille passe souvent avant tout.

D'ailleurs, en parlant de famille.

« LEIF ! » Il ne voyait plus son cousin. Dans la confusion régnante, la chevelure bouclée de Leif était disparue – et l'éclair d'Odin vint. Il cherchait Hedvig. C'était évident. Il en voyait que ça. Et où est-ce que la blondinette pouvait bien être... Le capitaine évita un assaillant, envoya un coup de masse à un autre, et réussit à s'approcher de la taverne, cherchant son cousin du regard. « LEIF ! » Il ne pouvait pas être bien loin, celui-là...

La situation avait complètement échappé à la jolie Vilma Oddi. Peu habituée aux affrontements de ce type, elle avait cherché refuge sans bien savoir si elle allait pouvoir le trouver, au milieu de cette foule qui semblait devenue complètement folle. La pauvre Vilma n'avait plus conscience de quoi que ce soit, elle essayait juste de sauver sa peau et de courir aussi vite que possible. Bien futilement, elle avait envie d'appeler à l'aide son frère et ses sœurs, voire même sa belle-sœur, mais elle avait pleinement conscience que ce n'était pas possible. Finalement, trouvant un recoin, cachée derrière un tonneau, Vilma aperçut alors toute la scène. C'était une foule incroyablement dense, qu'on voyait en train de se battre tout près de la Taverne des Lokabrenna. Ces derniers étaient d'ailleurs bien présents, avec leur sœur Ingrid. La bataille battait son plein.

Alors qu'elle allait continuer son chemin, Vilma vit un Vondr fendre la foule avec son batôn de magie. Ils étaient une des seules familles -si ce n'était l'unique- à utiliser cela pour pratiquer la magie. Vilma, elle, se contentait comme les autres de son corps et de ses mains, sans chercher à utiliser quoi que ce fut d'autres. La jeune femme était de toute façon tellement abasourdie par ce qu'elle voyait autour d'elle qu'elle n'aurait jamais comment s'y prendre si il avait fallu se jeter dans la bataille. Sunhilda, elle, savait comment s'y prendre. C'était une femme forte, une femme qu'on admirait.

Plongée dans la bataille malgré elle, Vilma implorait les Dieux de pouvoir encore voir Rolf avant de mourir. Finalement, elle se rendait compte qu'il était parfois inutile d'attendre trop longtemps et qu'il valait sans doute bien mieux dire les choses tant qu'on en avait l'occasion. Vilma, pour essayer d'oublier sa peur, essayait de se représenter le visage de ce cher Rolf Heill. Et ce qu'il dirait. Et comment il la sauverait. Mais Rolf n'était pas là … Et Vilma ne savait plus quoi faire. Il ne lui restait en fait peut-être qu'à attendre. La bataille semblait aller vers la fin. Des hommes roulaient ça et là, des cris se faisaient entendre.

Retrouvé. Il avait aperçu Leif, stratégiquement près d'Hedvig, une arme improvisée à la main. Le poète n'était pas un combattant, malgré Dürmstrang et malgré tout, mais pour la serveuse aux cheveux blonds, que ne ferait-il pas ? S'il pouvait se découvrir des ambitions aussi guerrières sur le pont du bateau, ça ferait bien son affaire. Il attrapa son cousin par le col de son vêtement, l'écartant de sa dulcinée, ignorant vivement ses protestations. La sang-mêlée était en sécurité, maintenant que les frères Lokabrenna étaient arrivés. Il la rejoindrait plus tard. Là, le capitaine et son second avaient quelque chose d'important à faire, qui se résumait à aller vérifier s'il y avait encore de la margygr à tailler et vérifier  « On va au port. Si la Colère de Tyr a quoi que ce soit, ils vont connaître la Colère de Mats. » Étrangement, aussi drôle cette réplique puisse-t-elle être dans sa bouche de jolicoeur toujours joyeux, elle n'en est pas moins mortellement sérieuse. Normalement, tout devrait bien aller. Joren a mis des runes de protection contre les margygrs sur ton knörr et maudit soit-il si celles-ci ont flanché. Ce qui est très peu probable. L'expression de son cousin se fit pleine de critique, mais le Karlsefni leva la main pour immédiatement faire taire les futures récriminations. Ce n'était pas le moment de le fâcher. Pas le moment alors que la bière qui imprégnait ses cheveux coulait sur sa nuque, tachait ses vêtements, et que le sang de ses blessures se répandait. « Tu reviendras plus tard. » Non négociable.

Griffant tout ce qui était à porté de main, Ingrid ne laissait aucune chance aux fous qui avaient attaqués la Rose de Fer. Telle une louve défendant sa progéniture elle faisait preuve d'une rare violence pour ceux ne la connaissant que comme la douce tavernière. Au côté de son père et de son oncle, elle n'avait pas à rougir de son nom. Les Lokabrenna n'étaient pas connus pour être la famille la plus soudée, mais quand l'un des leurs était attaqué, ils étaient tous attaqués.

Ingrid eut une vague pensée pour Norell, elle espérait que sa cousine soit en sécurité, vu qu'elle n'était pas présente à la Rose de Fer actuellement. Du coin de l'oeil, elle aperçut Daven Vondr pénétrer dans l'établissement pour remettre sur pied Eric qui avait visiblement pris un sacré coup derrière la tête au début de la bataille. Les choses commençaient à se calmer, les sangs-purs rétablissaient l'ordre aux alentours, la Rose de Fer ne brûlerait pas ce soir. En revanche, la Lokabrenna risquait fortement de devenir accueillante comme un Öfugr les prochains temps avec les sangs impurs qui viendraient se restaurer à la taverne. Une rancoeur brûlerait toujours dans palpitant, ils avaient presque failli tuer Hedvig, une des leurs dans leur folie.

« Je jure sur Loki que si je revois un de ces chiens traîner par ici, je me ferai une joie de leur arracher la tête moi-même » lança-t-elle à son père qui se battait encore à côté d'elle avant de lancer sa main sur le visage de l'opposant de son géniteur à qui elle arracha un œil.

Loin de s'imaginer la série d'évènements qui allait se produire, Hedvig était affairée à contenter les clients de la Rose de Fer en les servant le plus vite possible. Elle avait bien remarqué les regards récurrents de Leif mais elle était toujours contrariée de ce qui s'était passé quelques temps avant, à savoir la baston générale qui avait éclaté et dans laquelle il s'était étonnament lancé aux côtés de son cousin, qu'elle n'appréciait guère à cet instant aussi. Mais lui s'en fichait éperdument, ne connaissait sans doute même pas son nom. Ce n'était pas ce qui comptait. Oui, l'important, c'était que le principal concerné comprenne qu'il aurait mieux fait de se retenir. Elle n'aimait pas le voir s'abaisser à ce niveau là, et pourtant c'était une réaction typiquement masculine que de laisser parler ses poings, surtout chez les vikings.

Et puis soudainement, ses préoccupations changèrent bien vite. On cria. Une attaque de margygrs. Et là, elle réalise bien vite qu'elle était heureuse que Leif soit ici à boire avec Mats, plutôt qu'au port. Mais elle le voyait déjà se lever pour s'en aller sur place, alors que d'autres personnes débarquèrent à la taverne. Et tout s'enchaîna sans vraiment qu'elle ne puisse réaliser les choses. Pour seule protection, elle utilisa son plateau qui lui servait habituellement à servir les bières comme bouclier potentiel. Le problème d'être sang-mêlée, c'est qu'on ne maitrise pas vraiment la magie, et qu'on ne vous apprend pas vraiment non plus à vous battre. Alors, n'ayant pas mieux à faire, et un peu désemparée, elle alla trouver refuge dans un coin, se cachant derrière sa protection de fortune.

Observant les autres se battre, dans des giclées de bière et de sang, Hedvig se surprit à penser à sa mère, se demandant si elle était en sécurité. Elle aurait voulu avoir les capacités de Svanhilde dans un moment pareil, elle était allée à Dürmstrang, mais ce n'était pas le cas, de quoi vite lui faire oublier son sentiment d'inquiétude pour le remplacer par sa rage habituelle. Et puis, dans le tas, un pyromane se montra pour allumer un grand feu de joie à la gloire de la lutte contre les sang-impurs. Oui, elle les avait reconnu, ceux qui étaient là. C'étaient des sangs-mêlés, comme elle, qui voulait avoir une place égale à celle des sang-purs.

Si Hedvig pouvait comprendre qu'on tente de changer les choses et le souhaitait elle-même ardemment, et s'il lui arrivait aussi de laisser trainer ses oreilles pour aller en parler à certains intéressés, elle était contre une telle démesure. Faire brûler vives des personnes innocentes ? Quelle folie ! Les hommes derrière cette idée ne s'en tirerait pas aussi facilement lorsque les Nornes se pencheraient sur son sort. Ils ne valaient pas mieux que des animaux à ses yeux. Si elle n'était pas la plus mal lotie dans sa condition de sang-mêlée, et n'était donc pas la plus à plaindre, ses convictions venaient de prendre un sacré coup. Définitivement, le sang ne faisait pas l'intelligence. Les conflits se réglaient trop souvent par la force. On ne pouvait décidément pas faire confiance à qui que ce soit.

Elle sentit une main se poser sur son épaule. Dans la confusion elle faillit assommer Leif mais s'arrêta juste à temps. Il venait s'assurer qu'elle allait bien et sans doute la protéger. Sans dire mot, leurs regards suffirent à répondre à leur inquiétude respective. C'est à ce moment là que l'arrivée des patriarches Lokabrenna allait rester dans les mémoires. Eux qu'on détestait, venaient de sauver la vie à un grand nombre de personnes. Si elle ne signifiait rien aux yeux de Lokabrenna, elle était soudainement très fière de partager un peu de leur sang. Le pyromane n'était plus un danger et les choses semblaient tournées à leur avantage. Surtout lorsque que Daven Vondr fit place net. Elle n'avait pas remarqué que son fils, Eric, était à peine à deux mètres d'elle, inconscient. Les voir ensuite se battre avec ce qu'ils aimaient appeler des baguettes était un spectacle assez intéressant. Mais il restait encore les margygrs, comme Mats rappela à son cousin, sans lui laisser d'autres choix que de le suivre expressément. Décidément il faisait tout pour qu'Hedvig l'ait dans le nez. Elle regarda laisse et hocha la tête, lui faisant comprendre de suivre Mats et qu'elle se débrouillerait comme elle pourrait.

« Eric ! Bouge-toi espèce de crétin, c'est pas le moment de roupiller ! » La douce voix de ton cher frère te ramène à toi et tu restes quelques secondes sur le sol, sans comprendre. Ta tête de fait un vrai mal de chien, normal quand on voit la taille de la massue qui lui a dit bonjour. Tu ne te souviens pas de grand chose. Tu te revois boire de l'öl à foison, éviter le regard de la douce Ingrid, saluer Mats de loin et... oh, oui, les margyrs dans le port. Comme tout le monde, tu avais voulu participer à l'offensive et défendre ton territoire de ces bêtes affreuses, mais c'est là que la massue avait fait son apparition.
Ce qui explique que tu ne comprennes pas vraiment ce qui se passe autour de toi.
Déjà, Daven est à tes côtés, et te relèves avant de te mettre ton bâton dans les mains. Il examine ta tête un instant, et c'est là que tu réalises que tout un côté de ton visage est trempé de sang chaud. Tu secoues la tête un instant, puis t'écartes de ton frère. De ce que tu comprends en examinant les alentours, les margyrs sont toujours dans le port. Et la Rose de Fer était dans un état pitoyable. Pendant un instant, l'idée de rester ici et d'aider Ingrid à nettoyer se carnage te vient à l'esprit, mais la vision que quelque chose qui ressemble vaguement à une réunion de famille des Lokabrenna t'en dissuade. Probablement qu'elle aurait un coup de main de sa famille. Et puis, ils sont des sorciers après tout, donc ça ne va pas être très compliqué. Tu te tournes vers ton frère, cherchant son approbation. « Le port ? » Il te regarde, l'air exaspéré. « Vas-y, espèce de Vif-Höd ! » « Bah et toi alors ? » « Je viendrai te voir plus tard. » dit-il en disparaissant dans la foule. Bon, très bien alors. Tu étais assez habitué à ton frère pour savoir qu'il ne faut pas douter de ses paroles, donc le port devint ta priorité.
Tu espérai bien que quelqu'un t'avait gardé une margyr à dégommer. Manquerait plus que tu te fasses assommer ET loupe la bataille dans la même soirée, tiens.