Des rires gras s'élevaient en provenance de la place publique de Skuli, ils résonnaient sur les parois de la grotte, et s'étouffaient dans les profondeurs des galeries. Peu de temps après s'être battus comme des chiffonniers, la semaine avant Jól, pour une histoire qu'ils n'arrivaient pas à re-situer, Mats Karlsefni et Bartram Oddi étaient en train de boire… Ou plutôt de cuver leur öl. Et ils en avaient ingurgité, beaucoup. Beau-coup. Résultat, ils étaient en train de cuver l'alcool avalé. Et ils riaient, comme des imbéciles, et parlaient de choses totalement stupides aussi. De choses dont ils ne se souviendraient sans doute pas. Et franchement, vu là où ils en étaient, c'était tant mieux.

Ils voulaient se dire ça :

« La vérité, Mats, c'est que je suis jaloux de tes cheveux.
- Je m'en doutais Bartram. Es-tu donc prêt à tout pour arborer une chevelure aussi incroyable que la mienne ? Prêt à entendre le secret de leur lustre ? »

Mais vu qu'ils étaient bourrés, ça donnait un truc de ce style :

« Toi… Tu as… Beaux cheveux !, et voilà Bartram Oddi en train de tripoter les bouclettes du capitaine de la Colère de Tyr.
- Ben oui ! … Tu veux savouâre pourquouâh ? Je vais te direuh leureuh secret. »

Encore heureux, d'ailleurs, qu'ils soient tous seuls et bourrés comme des petits beurres. Si quelqu'un les avait vu, ouhlala.

Dire qu'il s'était battu avec Bartram il n'y avait pas longtemps ! Alors que c'était quand même son MEILLEUR ami de TOUS LES TEMPS. Ils avaient tellement bu, pfiou ! Même qu'ils avaient encore une chope d'öl, là, avec eux, parce qu'Ingrid les avait pris en pitié et leur avait cédé de cette boisson que les mages ancestraux devaient mourir d'envie de boire, depuis leur mort (en vérité, c'était la seule façon que la tavernière avait trouvé pour qu'ils foutent le camp de la Rose de Fer et qu'elle puisse fermer boutique).

Bartram commença à lui tripoter les bouclettes, chose qui n'arracha pas de cri de stupeur à Mats. Il était normal qu'il admire sa splendide chevelure, après tout ! Son effet sur les femmes était dévastateur, était plus que naturel que les hommes l'envient. Et puisque Bartram était son PLUSSE MEILLEUR AMI, il pouvait bien lui partager son GRAND secret.

Il se pencha pour chuchoter : « Ch'est la bièèèère. » Son chuchotement n'avait clairement rien de subtil, ni de discret. Ce n'était pas un chuchotement, quoi. « À chaque fois que je tombe dedans, cha les hydrate, et après ça briiiiille et les femmes hoquet en sont hoquet folles. TOUCHE comme c'est DOUX. »

Jeu débile spécial anniversaire:

Bartram adorait son meilleur ami. Il y avait quelque chose de palpitant avec Mats Karlsefni : des fois il voulait l'étriper, d'autres fois il voulait lui faire des câlins. Devinez à quel moment il était particulièrement imbibé d'öl. … C'est tout à fait ça : tout le temps, mais tout dépend de… ben… de l'ambiance palpitante, sans doute.

L'autre lui brailla dans l'oreille le palpitant secret pour avoir des cheveux aussi beaux, doux, bouclés, et tout ça. Bartram hocha la tête de haut en bas, l'air vachement convaincu par ce que lui disait cet ami de beuverie. Il était en train de réfléchir -et croyez-moi, bourré comme il était, ça prenait encore plus de temps. L'autre continuait son baratin palpitant, vendant l'öl comme un nouveau shampooing. Invité à agir par Mats, Bartram tendit la main et se mit à caresser de nouveau les boucles de Mats, l'air toujours aussi concerné et convaincu.

« Par le cul de Freyja ! »

C'était vrai que ses cheveux étaient tout doux ! Bartram partit de nouveau d'un grand éclat de rire, et le voilà sur le dos sur la place publique, en train de rugir de rire, le palpitant cavalant aussi. Il se redresse, la tête qui tourne. Et il demande, toujours aussi peu discrètement à Mats : « Et… tu crois que ça marchera avec mes cheveux ? J'veux pas d'boucles, hein ! »

Ton bourru, air inquiet et admiratif. Bartram Oddi ressemble au gosse qu'il était plus jeune, et il essaie d'imaginer comment Sunhilda réagira quand il arrivera avec des cheveux tout doux.
Vu comment il est ivre, il est probable qu'elle ne l'accueille pas les bras ouverts, mais plutôt avec une bassine d'eau glacée. Les risques du métier.

« Comment t'as su tout ça ? »